Charlotte d’Ornellas traitée de « pute » : pour Rokhaya Diallo, ce n’est pas une insulte

Nouvelle affaire de cyber-harcèlement. On se croirait dans un épisode de South Park, et pourtant, tout est réel. Rokhaya Diallo, militante afro-féministe, journaliste à RTL et réalisatrice d’un documentaire sur le harcèlement en ligne, a publiquement apporté son soutien au rappeur Jok’air lorsque celui-ci a traité la journaliste Charlotte d’Ornellas de « pute » sur Twitter. Dans une série de tweets agrémentés de petits smileys mignons, Rokhaya Diallo a gentiment corrigé le rappeur en lui indiquant que »pute » était un terme encore trop respectueux pour qualifier Charlotte d’Ornellas, jugée inférieure à une « pute ».

Retour sur la chronologie des faits

  1. Rokhaya Diallo publie un extrait vidéo d’une intervention télévisée de Charlotte d’Ornellas pour marquer sa désapprobation.
  2. Le rappeur Jock’air (29 000 abonnés) s’écrie en commentaire « C’est qui cette pute ? ». Il s’agit d’une injure publique à caractère sexiste. Ce délit est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

3. Rokhaya Diallo répond au rappeur. Elle ne pointe pas le caractère délictueux des propos tenus et renchérit sur un ton humoristique : « Faut respecter les putes qui gagnent leur argent honnêtement 🙂 »

4. Interpellée par Bastien Lejeune, rédacteur en chef à Valeurs actuelles, Rokhaya Diallo réplique : « le terme n’est pas une injure à mes yeux », « quelle est l’insulte puisque « pute » n’en est pas une ? ». Selon elle, traiter une femme de « pute » ne constitue nullement une injure envers la femme visée. C’est le fait de comparer les prostituées à Charlotte d’Ornellas qui constituerait une insulte envers les prostituées.

 

« Pute » est une injure en français

Rokhaya Diallo s’est ensuite fendue d’une longue série de tweets dans lesquels elle utilise la lutte contre la stigmatisation des prostituées pour justifier sa réaction complaisante face à un cas flagrant de harcèlement sexiste en ligne. Elle a recours à deux arguments pour nier le fait que dire « pute » à une femme, c’est l’injurier :

  • « pute » désigne un métier respectable
  • des prostituées féministes se sont réappropriées le terme « pute » pour en faire un étendard de fierté

Sauf qu’en suivant ces deux arguments, le terme « nègre » pourrait être utilisé par n’importe qui, soit au prétexte qu’étymologiquement, « nègre » signifie juste « noir », soit au prétexte que certains auteurs noirs (comme Aimé Césaire) se sont réappropriés ce terme péjoratif. Rokhaya Diallo n’a pas manqué de traiter de racistes les personnes relevant ces deux points.

On peut enfin se demander si le harcèlement d’une journaliste était le moment le mieux indiqué pour déployer une réflexion lexico-politique sur le mot « pute ».

Quoi qu’il en soit, Le Trésor de la langue française est formel : « pute » est une injure en français. Dérivé du verbe latin « putere » (« puer »), « pute » fut pendant longtemps un adjectif synonyme de « sale », « puant », « mauvais », « méchant ». Le terme devint ensuite la dénomination péjorative des prostituées.