Une survivante de Rotherham témoigne : « Ils m’appelaient pute blanche. Parce que j’étais non-musulmane, je méritais d’être punie. Ces gangs fonctionnent comme des réseaux terroristes »

« En tant que survivante d’un gang de violeurs pakistanais à Rotherham, je veux que les gens connaissent l’extrémisme religieux qui a inspiré mes agresseurs » – tribune de Ella Hill (pseudonyme) dans The Independant. Nous traduisons ici l’intégralité du texte :

Ces gangs de violeurs ne sont pas comme des réseaux pédophiles. En fait, ils fonctionnent presque exactement comme des réseaux terroristes, avec à peu près les mêmes stratégies.

Je me considère comme une survivante parce que je suis toujours en vie. Je fais partie de la plus grande enquête d’abus sexuels commis sur des enfants au Royaume-Uni.

« lls m’appelaient pute blanche lorsqu’ils me battaient »

Adolescente, j’ai été emmenée dans plusieurs maisons ou appartements au-dessus d’établissements de fast-foods dans le nord de l’Angleterre, pour être battue, torturée et violée plus de 100 fois. Ils m’appelaient « pute blanche » (« white slag ») et « chatte/connasse blanche » (« white cunt« ) lorsqu’ils me battaient.

Ils ont explicitement dit que parce que j’étais une non-musulmane, que je n’étais pas vierge, et parce que je ne m’habillais pas «pudiquement», ils estimaient que je méritais d’être «punie». Ils m’ont dit que je devais «obéir» ou être battue.

La peur d’être tuée et les menaces qui pèsent sur la vie de mes parents m’ont empêchés de m’échapper pendant environ un an [Ndlr : une autre victime, sa mère et sa sœur ont été assassinées pour avoir voulu parler]. La police ne m’a pas aidée.

« Une montée de l’islamophobie pourrait pousser de jeunes musulmans ordinaires dans les bras du fondamentalisme, des gangs de viols en réunion et du terrorisme »

Au moment où j’écris ces lignes, la nouvelle a largement circulé qu’une lettre décrétant une journée de « punition des musulmans » a été envoyée à des groupes musulmans. Ailleurs, des leaders de Britain First ont été condamné pour harcèlement à caractère religieux aggravé. En Europe continentale, des conflits autour des migrants et réfugiés ont été alimentés par des affaires de femmes violées par des migrants. Des gens ont appelé à attaquer les musulmans et ont déclaré « la guerre à l’islam ».

L’islamophobie sur internet et les agressions ont lieu tous les jours. En réponse, des groupes antifascistes et des groupes d’extrême-gauche ont eux-mêmes perpétré de violentes agressions envers des groupes qu’ils jugeaient liés aux « suprémacistes blancs » ou aux « nazis ».

Pour avoir vécu de l’intérieur la violence des grooming gangs [Ndlr: le grooming désigne le fait pour un adulte d’amadouer un enfant à des fins sexuelles], je peux vous dire que rien de tout cela ne changera quoi que ce soit au comportement des violeurs. Comme les terroristes, ils croient fermement que les crimes qu’ils commettent sont justifiés par leurs croyances religieuses.

Une montée de l’islamophobie pourrait renforcer les violeurs dans leurs convictions et pousser de jeunes musulmans ordinaires dans les bras du fondamentalisme, des gangs de viols en réunion et du terrorisme. La camaraderie, la protection, l’argent et le prestige que ces groupes offrent, les rendent très attractifs. Chose inquiétante, plusieurs jeunes hommes à qui j’ai disent en riant qu’être un gangster et finir en prison est un de leurs objectifs de vie.

« La violence sexuelle est actuellement utilisée comme tactique terroriste »

Quelle que soit l’ampleur des crimes des gangs de grooming, le problème requiert une mobilisation nationale, pas seulement en raison de la sévérité des crimes, mais en raison du degré de terreur et de menaces de mort que l’on a atteint. Des vies, des familles et des communautés sont dévastées. Sans compter celles qui n’ont pas survécu.

Les experts expliquent que ces gangs de grooming ne sont pas comparables aux réseaux pédophiles ordinaires. C’est quelque chose que le gouvernement a vraiment besoin de comprendre afin d’empêcher d’autres crimes de ce type dans le futur.

En novembre 2017, le gouvernement suédois a organisé une réunion où l’on déclara : « La violence sexuelle est actuellement utilisée comme tactique terroriste », reconnaissant ainsi la menace que ce phénomène représente pour la sécurité nationale suédoise.

Le lien entre terrorisme et viols commis par les gangs islamistes n’a pas été ignoré. Les Suédois ont appelé à une éducation contre-terroriste. C’est à mes yeux une réponse gouvernementale équilibrée et intelligente.

L’endoctrinement religieux est une partie importante du processus de recrutement de jeunes hommes voulant intégrer ces gangs de violeurs. Les idées religieuses sur la pureté, la virginité, la pudeur vestimentaire et l’obéissance sont poussées à l’extrême jusqu’à ce que les abus horribles deviennent la norme. Ces idées m’ont été enseignées sous la forme d’une distinction entre « nous et les autres ».

« Les Musulmanes sont bonnes est pures car elles s’habillent pudiquement, couvrent leurs chevilles, leurs poignets et l’espace entre leurs cuisent. Elles restent vierges jusqu’au mariage. Ce sont nos filles. »

« Les blanches et les non-musulmanes sont mauvaises parce que vous vous habillez comme des putes. Vous montrez les formes de vos corps (laisser visible l’espace entre vos cuisses signifie que vous cherchez le viol), donc vous êtes immorales. Les filles blanches couchent avec des centaines d’hommes. Vous êtes les autres filles. Vous êtes sans valeur et vous méritez d’être violées collectivement. »

« Les crimes des grooming gangs sont structurés par l’extrémisme religieux »

Cette hypocrisie religieuse haineuse bouleverse profondément les gens. Mais elle est loin d’être rare. Mon principal agresseur citait des versets du Coran quand il me tabassait. Toutefois, des versets analogues (sur la lapidation à mort des vierges ne criant pas quand on les viole) existent aussi dans la Bible.

Le problème n’est pas le texte en soi, c’est son interprétation religieuse. Il existe de nombreux cas d’utilisation de passages de la Bible pour justifier de terribles injustices telles que l’esclavage des Africains, l’antisémitisme et la violence entre les LGBT+.

La plupart des grandes religions, dont l’hindouisme et le bouddhisme, ont parfois été associées à des violations extrêmes des droits de l’homme, des femmes et des enfants.

J’ai vécu de terribles violences sexuelles et tortures à caractère religieux. Donc je crois profondément que l’on doit prendre conscience du danger de l’extrémisme religieux pour protéger les gens.

Mais le fait que Tommy Robinson et ses suiveurs se focalisent sur une religion toute entière en se basant sur une interprétation cruelle des écritures par certaines personnes, n’est d’aucune aide, et je pèse mes mots. La plupart de ses théories et conjectures ne correspondent à rien de mon expérience personnelle.

La plupart des survivantes des grooming gangs que je connais condamnent fermement la haine islamophobe et les manifestations de l’English Defence League nous mettent mal à l’aise. Nous ne voulons absolument pas d’agressions envers « tous les musulmans ». On ne peut pas soigner le mal par le al. Des hommes libres penseurs issus de la communauté musulmane pakistanaise, comme Nazir Afzal, et beaucoup d’autres, réagissent à tout ça avec dignité.

On m’a dit, à moi, survivante des grooming gangs de Rotherham, qu’il y avait eu presque partout des progrès en matière de protection de l’enfance et de poursuite des agresseurs. Mais je désespère de voir que la prévention n’a pas vraiment commencé.

J’ai été témoin de la manière dont de jeunes hommes sont approchés par des membres plus âgés des grooming gangs, pour devenir des violeurs. Ces techniques d’approche sont similaires à celles utilisées pour le terrorisme : l’amour des bombes, le langage affectueux (« frère », « cousin », « frangin »), les promesses de richesse et de célébrité, puis les humiliations, le contrôle par la culpabilité et l’humiliation, l’entraînement aux armes et l’instillation de la la peur et de la haine des étrangers.

Dans le même temps, ils continuaient toujours de convaincre ces jeunes hommes de trouver de nouvelles filles à violer en groupe.

Les crimes des grooming gangs sont structurés par l’extrémisme religieux. Comme la Suède, nous devons reconnaître ce fait et œuvrer à juguler la propagande extrémiste, tout en tirant les leçons des plans Prevent et Channel. Nous avons besoin d’une approche prudente et raisonnée, respectueuse des droits humains de tous.