Témoignage : pilule contraceptive et maltraitances gynécologiques

Une de nos lectrices nous livre son témoignage concernant sa propre expérience d’intolérance à la pilule contraceptive et de maltraitance médicale : symptômes de plus en plus douloureux, refus des médecins d’envisager la possibilité d’un lien entre la pilule et les symptômes, infantilisation, mépris, acte chirurgical pratiqué à vif, minimisation de la douleur … 

« La pilule, c’était la tranquilité »

Voici mon témoignage sur la pilule et sur les maltraitances gynécologiques. Je sais c’est un peu long mais j’invite les femmes à le lire, mais également les hommes qui se soucient réellement de leur dame. C’est un retour d’expérience, en aucun cas je veux inciter quiconque à quoi que ce soit, je veux juste apporter mon témoignage pour que certains se fassent un avis plus large sur le sujet.

J’ai commencé à prendre la pilule à 15 ans pile, au moment où j’ai eu mon premier petit copain, « par sécurité ». A l’époque, je n’avais aucun souci de santé, et aucun antécédent médical. La pilule, c’était presque une tradition dans la famille. On n’y voyait aucun danger, à part des symptômes un peu embêtants (comme parfois une prise de poids, de la pilosité supplémentaire, de la nervosité etc.) Il me semble que ma première pilule était Lilou ; très vite j’ai dû la changer car elle n’était pas assez dosée. J’ai passé 2ans à changer de pilules régulièrement jusqu’à trouver LA BONNE, qui semblait parfaite. A aucun moment, ni mon médecin ni mon gynéco ne m’ont proposé d’autres alternatives je précise ; quant aux stérilets en cuivre, c’était hors de question puisque je ne supporte pas cette matière. Puis la pilule, c’était la tranquillité : non mais c’est vrai , quand t’es ado’, t’es un peu concon, et surtout tes petits copains le sont parfois encore plus (j’ai toujours eu de longues relations longues je précise) : la capote, c’trop nul, au bout d’un moment, on a envie de « kiffer », puis on la met pas une fois, deux fois… Et on se dit que ce n’est pas grave, la fille prend la pilule. Bon déjà je ne vais pas revenir sur le fait que prendre la pilule adolescente, avec du recul, niveau hormonal, je ne pense pas que ce soit bon. Mais pour beaucoup d’adolescents c’est vrai, c’est un prétexte pour ne pas se protéger car l’idée d’avoir un gosse fait plus flipper que d’avoir une MST (et j’ai travaillé en collège/lycée, je peux vous jurer que c’est un discours courant). Quand on sait que la fille prend la pilule, tout est prétexte pour faire pression, et pour ne pas se protéger. Sachez aussi que la pilule n’est pas miracle : les oublis sont courants et il suffit d’être malade quelques temps après la prise, et c’est comme si vous l’aviez oubliée.

Donc PREMIER POINT: éduquez VRAIMENT vos gosses, s’il vous plaît !

Premiers symptômes, fausse bienveillance du personnel médical et vraie infantilisation

Bon ça c’est le truc le plus léger. Passons aux choses sérieuses.

A 18 ans, j’ai commencé à développer quelques symptômes qui au départ me semblaient légers ; irritabilité, douleurs au bas-ventre et sous les aisselles etc. Rien d’affolant, puis selon les médecins, c’est « normal » d’avoir un peu mal de temps en temps pour une femme dans ces zones-là. En aucun cas, selon leurs dires, cela était associé à la pilule (à la rigueur l’irritabilité peut-être). Toutes les femmes ont mal, c’est la punition de la nature, quoi.

Quelques temps plus tard, mes premiers kystes sont apparus ; petits kystes bénins sur le côté de la poitrine, kystes à l’utérus. Rien d’affolant encore une fois selon les médecins, il paraît que c’est normal ça aussi. Second refus d’associer ça éventuellement à la pilule ; et puisque je ne suis pas médecin, j’écoutais leur sainte parole (j’ai quand même testé deux trois médecins différents tout de même, sait-on jamais). Bref, les allers-retours à l’hôpital ont commencé, pour des choses « bénignes ». Avec ces allers-retours, il y avait un mépris qui se faisait de plus en plus sentir, une incompréhension, une infantilisation totale de la part du personnel médical ; je n’étais pas médecin, ce que je pouvais dire ou ressentir n’avait pas de valeur. PUISQU’ON VOUS DIT QUE CEST NORMAL TOUT CA ! ( « c’est écrit dans mon livre, faut l’savoir ») Mon homme commençait à trouver ça louche, moi je ne posais pas plus de questions, parce qu’en effet, je ne savais rien. Je commençais tout de même à poser mon regard sur la possible responsabilité de la pilule… mais bon, les symptômes n’étaient pas écrits dans la notice, puis les médecins me l’auraient dit, n’est-ce pas ? Non non, ce n’est pas ça. Puis est arrivé, le début de l’ENFER : j’avais 19ans. [Je vais épargner les détails pour la suite, si les filles veulent plus de précision, qu’elles me contactent. Je suis désolée pour ce partage d’expérience privée, mais je crois que c’est important.] J’avais mal à un sein en particulier depuis plusieurs semaines, sein qui avait en plus grossi et changé d’aspect, je suis allée consulter ma gynéco ; qui a dit que ça arrivait également de temps en temps, qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Même discours de mon généraliste, avec toujours ce ton infantilisant faussement bienveillant. Puis je suis jeune, donc je ne peux rien avoir de grave.

Quelques jours plus tard, je me suis levée avec une douleur atroce dans la poitrine, et là je vous épargnerai les détails. Pour vous résumer, j’ai consulté d’urgence ; et là, panique chez les médecins, on n’a pas écarté la possibilité d’un cancer inflammatoire du sein. 19 ans, je le rappelle. J’aurais dû porter plainte contre les deux connards qui ne m’avaient pas écoutée quelques jours plus tôt, quand j’y repense. J’ai commencé à subir une batterie de tests, qui se sont révélés peu concluants ; il faut savoir que quand vous êtes jeune, il est très difficile de faire des mammographies, car le sein est trop dense, les examens sont compliqués. (Je suis toujours sous surveillance actuellement.) Bref, mon homme avait été muté à l’autre bout de la France à ce moment-là, j’étais seule, dans l’incompréhension totale, début d’une dépression… L’Enfer littéralement. Mon sein s’est « calmé » (c’est un peu bizarre de dire ça). J’ai, timidement, demandé aux médecins si le problème ne pouvait pas venir de la pilule à nouveau, NON catégorique ! J’ai avancé l’idée de quand même l’arrêter : NON catégorique, c’est être irresponsable ! J’ai continué à la prendre, sans conviction (d’ailleurs je n’arrêtais pas de l’oublier parce que je crois qu’au fond je savais qu’il y avait un problème avec). J’ai eu d’autres problèmes, plus bénins qui sont apparus dont des kystes ailleurs, à l’entre-jambe. (Là aussi je vais vous épargner les détails). Eux-aussi, catégoriquement dissociés de la pilule. En tout cas, je devais me faire opérer régulièrement (c’était une petite opération sous-anesthésie générale, en ambulatoire, où tu restais sous-surveillance juste une nuit, rien de « grave »).

Opération à vif

J’ai déménagé en Auvergne ; un matin, je me lève, à nouveau un fichu kyste à l’entre-jambe. Je vais aux urgences ; m’attendant à nouveau à finir en ambulatoire. Et là vient la pire expérience gynécologique de ma vie ; et j’en ai encore les larmes aux yeux rien que d’en parler. Le mec refuse de me faire aller en chirurgie ambulatoire, et décide, pour « gagner du temps et parce que ce n’est pas nécessaire » de m’inciser à vif, sans anesthésie. Oui oui, vous avez bien lu. (Et puisque je ne donne pas vraiment de détails, en gros, pour les mecs, c’est comme si on vous incisait les testicules à vif sans anesthésie.) C’est une pratique tout à fait légale qui permet aux hôpitaux d’éviter une opération et de gagner du temps et de l’argent. J’ai tellement hurlé qu’une infirmière est rentrée pour me plaquer sur le lit. Je me souviens de la présence d’une interne aussi, les larmes aux yeux. (Quand j’y repense, la pauvre, si elle n’a pas démissionné…) Le mec a été un boucher. Pour me consoler, il m’a donné un verre d’eau et m’a dit « Je sais je sais, je ne serai pas votre mari. » Mot pour mot.

Il m’a laissé repartir dans les 5minutes qui ont suivi, toute titubante dans les couloirs. Je me souviens juste après m’être retrouvée dans la rue, en pleurs, humiliée, et j’ai un total blackout après ; je crois qu’une amie est venue me récupérer. De cette expérience, je garde une phobie monstre des médecins au point d’en avoir envie de vomir à chaque consultation. Je suis désolée de partager quelque chose d’aussi privé encore une fois, et sans faire ma victime, je veux juste que certains réalisent ce qui peut se passer quand une femme se confronte à certains membres du milieu médical ; et ce que c’est le « silence » du milieu médical sur ces choses-là.

Accompagnée par le conjoint pour éviter les commentaires désobligeants et actes non-consentis

Vous voulez le plus drôle avec cette histoire ? J’ai dû y retourner une semaine après car ce qu’il avait fait avait servi à rien ; je suis venue accompagnée de mon copain cette fois-ci, qui a pris la parole à ma place et a fait du forcing pour que je me fasse opérer (car ils étaient reparti pour le «à vif» sinon). Depuis, je vais toujours chez le médecin accompagnée de mon homme, car oui, certains connards du milieu médical profitent de la vulnérabilité des patients pour faire gober tout et n’importe quoi, sortir des commentaires désobligeants et exercer des pratiques non-consenties par les patients (regardez le nombre d’abus durant les accouchements) ; la présence de mon homme permet de m’assurer du bon déroulement des choses ; et c’est quand même grave d’en arriver là, d’avoir besoin d’être assistée pour être prise au sérieux, pour être écoutée. Cette expérience a détruit ma vie personnelle pendant un moment ; elle peut paraître bête pour certains, mais j’ai eu beaucoup du mal à me reconstruire et à l’époque ça a joué sur mon couple et ma sexualité.

Après cela, mon copain a implosé, et m’a demandé d’arrêter la pilule, tant pis si nous devions repasser aux préservatifs : son principal argument étant « Des allers-retours à l’hôpital, ta santé contre un plaisir personnel ; mais il faut vraiment être con ! » Sans son geste je crois que je n’aurais pas réalisé, car j’étais embrigadée dans le délire Sainte Pilule, et cette infantilisation constante du milieu médical qui refusait que je fasse mes propres choix m’avait rendue totalement léthargique.

Donc second point : les hommes, soyez bienveillants avec vos femmes ; ne les forcez jamais à prendre la pilule mais surtout, oui, vous avez le droit de constater les problèmes et de pousser votre conjointe à arrêter. Pas la forcer, mais juste lui faire réaliser son état si jamais elle a de gros soucis, parce que non, ce n’est pas forcément évident, et c’est aussi votre rôle d’être auprès d’elle !

Et troisième point : Non, accompagner sa femme chez les gynécos, les médecins et s’intéresser à ses problèmes « intimes » n’est pas une honte mais même plutôt un devoir. J’espère qu’en lisant ce que j’ai écrit, et à la place de mon homme, vous auriez eu tous envie de mettre une bonne droite des valeurs au gynéco. Les violences du milieu médical ne sont pas un mythe.

 

L’après-pilule : une nouvelle vie

Après l’arrêt de la pilule, j’ai eu l’impression de revivre. Absolument TOUS mes symptômes, y compris les moindres petites douleurs ont disparu. Les médecins ont toujours refusé, et refusent toujours, d’associer mon parcours à des éventuels effets secondaires de la pilule. Je ne dis pas que ce que j’ai vécu arrivera forcément à toutes les filles qui prennent la pilule, mais pour moi c’est une évidence que tout cela était lié à sa prise. En attendant, le refus d’au moins essayer de chercher d’où venaient tous ces problèmes fait que, même si effectivement c’était lié à la pilule, ça ne sera jamais affiché dans quelconques notices ni rentré dans quelconques statistiques. On ne touche pas à la Sainte Pilule !

Pourquoi ce témoignage

Ce témoignage n’a pas pour but d’inciter les femmes à arrêter la pilule ni même de militer pour son interdiction (et je sais que pour certaines la pilule est positive), mon but principal était de :

  • Faire prendre conscience qu’il y a des non-dits sur la pilule, une sorte de « loi du silence » qu’il faut sérieusement analyser. Il faut prendre la pilule en ayant conscience qu’on nous dit peut-être pas tout dessus, qu’elle peut comporter de réels risques ; après libre de vos choix ! Non, le milieu médical n’a pas la parole suprême, ni vous d’ailleurs ; il faut peser des pour et des contre et il faut aussi savoir s’écouter. Certains médecins sont formidables, d’autres de vrais charlatans ou bouchers. Il n’y a pas de honte à chercher à s’informer par soi-même. La pilule, mon corps mon choix, certes ; mais parfois, avoir des avis extérieurs notamment quand on ne s’aperçoit pas que notre santé, et notre raison, déclinent, c’est aussi bien. Pour celles qui ont des problèmes avec la pilule et qui la prennent que pour des raisons de contraception ; à vous de voir si vous voulez sacrifier votre santé et votre vie pour de la « facilité » et quelques minutes de plaisir que vous pouvez très bien avoir aussi autrement.
  • Faire prendre aussi conscience que la pilule nous est donnée comme un Smarties mais que ses effets peuvent extrêmement lourds. Avant de la donner à vos ados, réfléchissez à cela, s’il vous plaît.
  • Faire prendre conscience qu’il faut avoir confiance en certains médecins, mais que la « maltraitance », tant physique que psychologique, n’est pas un phénomène mineur dans le milieu médical et qu’il faut que des personnes s’emparent sérieusement du sujet. Si certaines femmes vont même jusqu’à partir à l’étranger pour accoucher, c’est qu’il y a un vrai souci.
  • Et enfin, si vous avez des symptômes similaires aux miens, n’hésitez pas à essayer d’arrêter la pilule.

En savoir plus sur les maltraitances gynécologiques et médicales :

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